« Casablanca, à fleur de rue. »

Casablanca – Là où la lumière coupe et embrasse

Il y a des villes que l’on apprend à photographier. Et puis il y a celles qui vous saisissent. Casablanca, pour moi, fait partie de ces villes qui ne se laissent pas penser avant l’image. Tout est immédiat. Tout est brut. Il faut être là, les yeux ouverts, le souffle suspendu.

À Casablanca, je n’ai pas cherché la perfection du cadrage. J’ai cherché la tension.

Celle du soleil qui frappe trop fort. Celle des regards qu’on croise à moitié. Celle du désordre magnifique d’une ville qui vit sans pause.

Là-bas, tout est matière : les murs écaillés, les tissus aux fenêtres, les reflets de scooters dans des flaques, les ombres qui traversent un couloir de béton.

C’est une ville qui déborde. Qui parle haut. Qui ne se laisse pas effacer.

Une photographie intuitive

Contrairement à d’autres villes que j’ai photographiées avec distance ou recul, ici, je me suis laissé happer.

Les images sont venues vite. Parfois trop vite. J’ai photographié au rythme de la rue.

Pas pour faire joli. Pas pour documenter. Mais pour ressentir.

Je me suis laissé guider par la lumière. Une lumière tranchante, presque violente. Une lumière qui divise les scènes en deux : l’ombre dense, le plein soleil.

Et dans cette frontière, entre clair et obscur, j’ai cherché ce que la ville ne dit pas. Ce qu’elle murmure à qui veut bien ralentir.

Une ville de gestes, de peaux, de poussière

Casablanca, ce sont des corps en mouvement. Des enfants qui courent. Des marchands qui crient. Des mains qui tendent.

C’est une ville d’énergies. De frottements. D’odeurs.

Et c’est cela que j’ai voulu capter : l’énergie humaine, brute, chaude, souvent chaotique, mais terriblement vivante.

Il y a peu d’espace vide dans cette série. Peu de distance.

Je suis dans la rue, au milieu, pas sur le trottoir.

Je photographie avec le corps, pas avec une règle.

Ni exotisme, ni nostalgie

Je n’ai pas voulu faire de cette série un hommage figé.

Je refuse l’exotisme. Je refuse aussi la nostalgie.

Je n’idéalise pas la ville. Je ne la romantise pas.

Je la traverse. Je l’écoute. Je la regarde dans ce qu’elle a de rugueux, de fragmenté, de vivant.

Mes images n’ont pas de décor.

Elles ont des tensions.

Elles ont des silences dans le vacarme.

Elles parlent d’une ville que je n’essaie pas de comprendre, mais simplement de sentir.

Une mémoire de peau

Casablanca, pour moi, n’est pas un souvenir. Elle est une sensation.

Je ne me rappelle pas les rues précisément. Mais je me rappelle les odeurs, les angles de lumière, le bruit des pas, le grain de l’air.

Mes photos sont des traces de cette mémoire-là. Une mémoire de peau, pas de carte.

Conclusion

Cette série est une danse. Une marche. Un battement.

C’est le rythme d’un photographe qui cherche dans l’agitation une forme de poésie.

Ce n’est pas Casablanca telle qu’elle est. C’est Casablanca telle que je l’ai vécue, telle qu’elle m’a traversé.

Et peut-être que ces images ne sont que ça : des morceaux de lumière restés sous les paupières.