« NYC l'une des meilleures villes du monde pour la photographie de rue ! »
New York – Mémoire discontinue d’une ville en tension
J’ai photographié New York plusieurs fois. Pas en continu. Pas dans une urgence documentaire. Mais par séquences, par éclats, à travers des allers-retours espacés, comme autant de rendez-vous avec une ville qui ne se donne jamais deux fois de la même manière.
Cette série est née lentement. Elle n’était pas prévue. Il n’y avait pas de projet initial, pas de ligne directrice clairement posée. Juste une sensation tenace : celle d’un lien à cette ville, de plus en plus viscéral, de plus en plus difficile à nommer. Alors j’ai suivi ce fil, en laissant le temps tisser sa propre narration.
Je ne photographie pas New York pour la montrer. Je la photographie pour m’en souvenir.
Je veux dire : me souvenir de ce qu’elle m’a fait. Me souvenir de ce que j’ai ressenti en m’y perdant. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : d’une errance volontaire, d’un lâcher-prise dans un espace qui, sous ses apparences de verticalité et de vitesse, regorge de brèches intimes.
Chaque photographie est une prise de note mentale, une forme de carnet visuel. Une tentative de retenir ce qui, déjà, s’éloignait.
Une photographie patiente
Je n’ai pas cherché les symboles. Pas les gratte-ciels, pas Times Square, pas les clichés qui rassurent. J’ai cherché le silence entre les klaxons, l’arrêt au cœur du mouvement, l’invisible dans l’ultra-visible. C’est là, précisément là, que la photographie de rue prend son sens pour moi.
Photographier, ce n’est pas seulement cadrer. C’est s’arrêter. C’est faire le choix, face à la profusion, de prélever un fragment. Et d’en faire un lieu de regard.
Dans les rues de New York, j’ai appris à regarder autrement. À ne pas courir après l’instant décisif, mais à accueillir l’instant juste. Celui qui vient quand on ne le cherche plus. Quand on devient, presque malgré soi, perméable à ce qui se joue autour.
Je me suis laissé traverser. Par les silhouettes pressées. Par les solitudes banales. Par les lumières obliques entre deux immeubles. Par l’attente figée à un feu rouge. Par les reflets dans une vitre de restaurant désert.
Un récit sans narration
La série n’a pas d’ordre chronologique. Elle n’a pas non plus de narration linéaire.
Elle est fragmentaire, comme un souvenir. Elle se construit par superposition d’instants.
Certains ont été saisis très tôt le matin, d’autres à la tombée du jour. Parfois sous un ciel écrasant, parfois dans une lumière douce presque européenne. Et toujours, une même question me revenait : à quoi ressemble une ville qu’on croit connaître, mais qui continue de nous dérouter ?
New York change. Tout le temps. Et moi aussi, je change à son contact.
Ce que j’ai vu en 2018 n’était plus là en 2022. Et c’est peut-être cela que j’ai voulu fixer : une forme de disparition continue. Un deuil discret. Non pas d’un événement, mais d’une atmosphère. D’une vibration particulière qu’on ne retrouvera plus.
Un espace d’émotion, pas de démonstration
Il n’y a pas de volonté démonstrative dans cette série. Pas de message. Pas de preuve.
Je ne cherche ni à dénoncer, ni à célébrer. Je me tiens ailleurs.
Dans un entre-deux que seule la photographie permet : celui de la contemplation active.
Les images peuvent sembler calmes, presque vides. Mais elles sont pleines de tension.
Elles contiennent le mouvement qui les a précédées. Et celui, pressenti, qui les suivra.
Elles sont habitées. Par ceux qu’on voit. Par ceux qu’on devine. Par ceux qui sont déjà partis.
Ce que cette série dit de moi
Cette série ne parle pas seulement de New York. Elle parle de ma manière d’être au monde.
De mon besoin de ralentir. De regarder sans posséder. De comprendre sans expliquer.
Je ne suis pas un photographe de l’instant spectaculaire.
Je suis un photographe de l’instant silencieux.
Celui qu’on ne voit pas toujours. Celui qu’on sent. Celui qui nous reste en tête sans qu’on sache pourquoi.
New York m’a offert ces instants-là. Parfois au détour d’une rue. Parfois après des heures sans rien.
Et aujourd’hui, en rassemblant ces images, je mesure le chemin parcouru : non pas géographiquement, mais intérieurement.
Cette série est un autoportrait, en creux. C’est moi, face à une ville immense, en quête d’une forme d’équilibre.
Conclusion
“New York”, tel que je le propose ici, est un espace de pause. Une invitation à regarder autrement une ville mille fois photographiée. À la voir non pas comme un décor, mais comme un personnage complexe. Vivant. Fragile. Et profondément humain.
C’est une lettre visuelle. Un hommage. Un journal discontinu d’un lien que je n’ai jamais vraiment su nommer. Mais que j’ai tenté, image après image, de comprendre.