« Bruxelles - Brussel - Brüssel. Pourquoi Bruxelles ? »

Bruxelles – La ville que je traverse, et qui me traverse

Bruxelles n’est pas une destination pour moi. Elle est là.

Elle fait partie de mon quotidien, de mes humeurs, de mes colères parfois.

Et pourtant, il m’a fallu du temps pour oser la photographier. Non pas parce qu’elle manquait d’intérêt, mais parce qu’elle me semblait trop proche.

Trop familière pour que je puisse l’observer sans y projeter tout ce que j’y vis.

Cette série est née sans programme, sans carte, sans projet défini.

Elle s’est construite au fil des rues que je prends sans y penser.

Des jours gris, des lumières basses, des murs trop étroits.

Et parfois, une percée. Une lumière inattendue. Une solitude offerte.

Photographier ce que je croyais connaître

Photographier Bruxelles, c’est photographier un reflet de moi-même.

Pas un autoportrait. Pas une mise en scène. Mais une manière de dire : « voilà ce que je vois quand je ne cherche plus ».

Je n’ai pas essayé de montrer la ville. J’ai simplement laissé les images venir à moi, dans ses arrière-cours, ses vitrines vides, ses rideaux baissés, ses passants indifférents.

Ce sont des instants pris à la volée, mais mûris intérieurement.

Car Bruxelles, à mes yeux, est pleine de contradictions. Elle est à la fois vivante et lasse, ouverte et fragmentée, tendre et rugueuse.

J’y vois une beauté sans apprêt, une forme de désordre nécessaire, une humanité qui ne cherche pas à se faire belle.

Une ville en couches

Comme Berlin, Bruxelles porte ses strates. Mais ici, elles ne sont pas marquées par la violence d’un passé imposé.

Elles sont le fruit d’une accumulation douce-amère. D’un urbanisme hésitant, d’un multiculturalisme en friction, d’une esthétique bricolée mais sincère.

Et c’est justement cette complexité qui m’attire.

Je photographie ses angles morts.

Ses cafés presque vides.

Ses trottoirs usés.

Ses piétons pressés.

Ses vitrines à moitié éteintes.

Je photographie ce qui ne crie pas. Ce qui ne s’impose pas.

Être de là, mais ne plus y voir

Ce que je découvre en photographiant Bruxelles, c’est que l’on peut habiter une ville sans plus la voir.

Alors je reprends possession du regard. Je marche autrement. Je fais attention.

L’appareil me sert de médiateur. Il me redonne la capacité d’étonnement.

Et parfois, je redécouvre un lieu que j’ai vu mille fois.

Mais ce jour-là, la lumière a changé.

Ou quelqu’un passe à contretemps.

Ou une ombre s’allonge comme jamais.

Alors je déclenche. Et ce qui semblait ordinaire devient fragment de mémoire.

Photographier chez soi, c’est aussi se dévoiler

Cette série n’est pas une carte postale de Bruxelles.

Elle n’est pas un inventaire de ses quartiers, ni un guide visuel.

Elle est un récit intérieur. Une cartographie émotionnelle. Une tentative d’habiter pleinement les lieux que l’on traverse trop vite.

J’y montre mes silences. Mes attentes. Mes instants de pause.

C’est peut-être la série la plus personnelle de mon travail. Parce qu’elle ne prétend rien. Elle se contente d’être là, posée sur les pavés humides, adossée aux murs tagués, bercée par le souffle d’une ville que je connais trop… mais que j’apprends encore à regarder.

Conclusion

Bruxelles est ma ville.

Et pourtant, chaque photo me rappelle qu’elle ne m’appartient pas.

Elle m’échappe, me surprend, me confronte.

Photographier Bruxelles, c’est accepter d’être à la fois chez soi et étranger.

C’est dire : je viens d’ici, mais je continue d’apprendre à voir.